Souvenir d’un soir

Article : Souvenir d’un soir
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15 septembre 2016

Souvenir d’un soir

Dans ce billet que j’ai retrouvé dans mon back-up, les noms des personnages avec un (*) au dessus sont des pseudonymes qui remplacent leurs véritables noms. Cela pour des raisons diverses. Bonne lecture.

 

Je me souviens de cette rencontre avec Tifa* durant les vacances de 2010 du côté de Timbi-Madina, terre de mes ancêtres. Une nuit, je me suis rendu pour une veillée avec Ibra*, un cousin, à «Louguêl», un petit quartier de la commune.

Contrairement à mes habitudes bingervilloises _ appellation désignant les habitants de Bingerville, la deuxième capitale coloniale de la Côte-d’Ivoire_, je portais un pantalon jean et un pull-over et les doigts des mains dans des mitaines et les orteils logeant dans des Sebago.

Dans cette fraîcheur foutanienne, mon cousin et moi avions, dans le milieu de la nuit à l’aide de lampe de téléphone de fabrication chinoise, traversés marigots et collines entre de gros arbres pour rallier Louguêl de Daroune. Une zone ayant toujours ignoré ce que veut dire desserte en électricité.

Arrivé à destination, nous entrâmes dans la chambre de l’ami d’Ibra*. Là, à la lueur d’une bougie incandescente, je vis cinq personnes dont trois filles toutes ravissantes dans leur pull-over. L’effet de la fraîcheur était perceptible. Ibra et moi lançâmes un « bonsoir » à leur endroit. En chœur, ils répondirent et nous invitèrent.

Je parlais peu. Etais-je timide ou était-ce parce que je ne connaissais personne dans le coin ? Ibra avait retrouvé son copain de tous les jours et il me prêtait moins d’attention. Une fille me demanda mon nom, je lui répondis « Lefer*, et toi ? ». « Hada* », me dit-elle. Ibra me souffla à l’oreille, « petit, c’est notre nièce, la fille de notre grande sœur Timfa* », comme s’il avait deviné mes intentions. Je luis répondis par un hochement de tête ; « ok je comprends ».

Ibra et moi en 2010 lors d'une balade pédestre sur le bowal de Touro à Timbi-Madina
Ibra et moi en 2010 lors d’une balade pédestre sur le bowal de Touro à Timbi-Madina

Quelques minutes après, une voix féminine vint me tirer de ma rêvasserie. La voix avait lancé un “Salamlec“. Je me retournai et vis au seuil de la porte une silhouette que le bon Dieu ne fit pas à la hâte, telle une fée. Elle portait sur un jean bleu une robe rose qui achève sa course au niveau des genoux avec une jacket noire. Son teint noir ébène laissait découvrir son large sourire sous des grands yeux magnifiques. La lumière de la bougie était suffisante pour la distinguer. Son foulard assorti à sa robe cachait un peu ses boucles d’oreilles arrondies. Elle était en compagnie de Bin*, une cousine que je connaissais depuis Bingerville, au sud de la Côte-d’Ivoire. Il fallut que cinq secondes s’écoulent avant que je lui renvoi son salamalec. Mon cousin m’observa un bon moment et comprit mon trouble.

Comme le maître des lieux, j’invitai la demoiselle à prendre place. Sans hésitation elle accepta mon invitation et pris place avec Bin près de moi. Visiblement, elle était timide. Avec Bin, la timidité se dissipa. Elle me présenta à son amie en ces termes : « Lefer*, elle, c’est Tifa*. Tifa*, voici mon cousin Lefer* dont je te parlais en cour de route ». Apparemment, Tifa* avait déjà été « briefée » sur moi.

Début de complicité

Nous parlâmes à n’en plus finir. Sa douce voix m’emplit de joie et sa beauté me donna l’envie de la connaitre davantage. Elle venait de Dakar et avait près de quatre ans de moins que moi. Tout comme moi, elle semblait vouloir me connaître mieux. Une complicité spontanée s’instaura entre nous, nous donnant l’impression de s’être toujours connus. J’étais tellement euphorique que je lui proposai de s’éclipser avec moi sur la terrasse, loin des autres. Nous devions être mus par le même sentiment tous les deux car elle accepta ma proposition avec enthousiasme. Nous nous excusâmes donc auprès de nos amis.

Dehors, le bruit des arbres et du marigot de Louguêl était moins fort par rapport à la fraicheur qui avait doublé d’intensité. Tout le quartier était plongé dans le noir. Ma nouvelle amie me demanda si j’appréciais cette atmosphère calme et froide. J’ai compris que le froid la déconfortait mais qu’elle voulait passer du temps avec moi dans cette pénombre. Alors je l’attirai contre moi et elle se blottit dans mes bras, les miens faisant le tour de sa taille fine. La douce odeur qu’exhalait son parfum emplissait tout mon être et me transportait de bonheur.

Elle m’appela par mon prénom « Lefer*, … » et marqua un silence. Cette pause entrevoyait long.  Je tentai de déceler le sens de ce mutisme mais n’y parvins pas. Je la fis retourner sur elle-même. Mon regard noyé dans le sien, je lui fis savoir qu’elle me troublait. Son « moi aussi » ne tarda pas. Elle reprit en disant « Lefer*, … », elle ne termina pas sa phrase, mes lèvres avaient déjà gagné les siennes. Je me ressaisis au bout de quelques secondes. « Je te prie de m’excuser », balbutiais-je maladroitement.

Bin arrive au moment où…

Arborant son magnifique et irrésistible sourire, elle se colla davantage contre moi et plaqua ses lèvres contre les miennes.  C’est ce moment que choisit Bin* pour faire irruption sur la terrasse, rompant ainsi le charme de ce moment magique ; elle voulait connaitre mon mot de passe pour accéder à la galerie de mon téléphone. Ma dakaroise me proposa ainsi d’entrer rejoindre les autres. C’est à ce regret que nous rejoignîmes les autres dans la chambre où un bon thé fumant nous fut servi et que nous sirotâmes avec volupté. La veillée se poursuivit encore quelques heures. Les regards complices que Tifa* et moi échangions n’échappèrent à personne. Mais personne n’y fut allusion, à mon grand soulagement.

Peu avant l’aurore, dans cette nuit au ciel qui avait enfin fièrement revêtu sa belle myriade d’étoiles, nous rentrâmes chacun chez soi.

 

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