Le business de pseudo-mendiants

Article : Le business de pseudo-mendiants
Crédit:
11 mai 2016

Le business de pseudo-mendiants

De nos jours, les mendiants sont de plus en plus nombreux. En partant des devantures des lieux de culte jusque dans les grands carrefours de Conakry en passant par les accotements les plus prisés, ces nécessiteux sont assis à même le sol pour certains et sur des nattes pour d’autres. Ce sont souvent des infirmes: des manchots, des paralysés, des aveugles, même si on recense une catégorie de personnes valides dont des albinos. Ils sont jeunes, vieux et enfants.

Leur travail, tendre à longueur de journée la main aux passants qui, le plus souvent font mine de ne pas entendre les salamalecs lancés à leur endroit, à plus forte raison laisser quelques liards chiffonnés de francs “glissants’’ (entendez par là francs guinéens qui du jour au lendemain perd plus ou moins en valeur par rapport aux devises comme le Dollar US, l’Euro et même le Franc CFA et reste instable) dans les mains tendues ou dans des sébiles posées par terre à cet effet.

 

Une famille de mendaints dans une rue de Conakry. Crédit photo: www.bantagni.mondoblog.com
Une famille de mendaints dans une rue de Conakry. Crédit photo: www.bantagni.mondoblog.com

Avec cet accroissement de mendiants dans les rues de Conakry en particulier et celles de la plupart des grandes villes africaines en général, je me demande s’ils sont tous des mendiants au sens premier du terme, car en Afrique, ne sont mendiants que les indigents à qui on fait l’aumône et qui en retour formulent des bénédictions à l’intention de celui qui donne et de sa famille. Aujourd’hui, j’ai comme l’impression que la mendicité est devenue un réel business, un fonds de commerce pour certains.
Je me remémore ma première semaine à l’université lorsque je venais pour mon inscription à la faculté des sciences sociales. A près de cent mètres de l’entrée principale de l’université, un homme dont l’âge côtoyait à la trentaine révolue me lança un Salamalec (As Salam Aleykoum, salutation arabe). Assis sur une natte, il portait un boubou et tenait disposés juste devant lui, des billets sous une canne, qui tentaient de s’échapper par la force du vent.
Je m’arrêtai et lui tendis un billet de cinq cent de nos francs “glissants” qu’il prit avec un large sourire avant de me dire «merci». Merci? Pas de bénédiction? Ainsi était-il. Et c’était comme cela tous les matins. Cela a continué jusqu’à la fin du premier semestre de ma deuxième année à l’université.
Pourquoi je cessai de lui donner des liards, ne serait-ce que cent francs “glissants’’? La raison est toute simple. Grâce à l’altruisme des passants, aujourd’hui, le sieur s’est acheté une motocyclette à quatre roues ainsi qu’un téléphone portable de dernière génération. Maintenant, tous les matins, mon mendiant a les écouteurs dans les oreilles et est toujours au même endroit comme un directeur général dans son bureau.

 

Une mendiante assise sur le pont qui mène à l'aéroport Conakry Gbessia. Crédit photo: www.bantagni.mondoblog.com
Une mendiante assise sur le pont qui mène à l’aéroport Conakry Gbessia. Crédit photo: www.bantagni.mondoblog.com

Il n’est pas le seul. Ils sont nombreux. Une autre anecdote. Alors que j’étais encore au collège à Bingerville – deuxième capitale coloniale de la Côte-d’Ivoire – un homme tiré à quatre épingles était venu dans notre salle de classe et avait un fourre-tout en main. Profitant de l’absence du professeur de maths, cet homme a fait irruption dans la salle. Il s’est adressé à l’ensemble des élèves dans une voix tremblante qui donnait des frissons en ces termes «bonjour les enfants. S’il vous plait, je suis un chômeur, je vous demande de me venir en aide. Je vais à Cocody et je n’ai pas le prix du transport. Donnez-moi quelque chose même si c’est 25 francs (CFA). Merci».
Impossible de ne pas l’assister, chacun lui remit quelques pièces. Certains avec leur pouvoir d’achat lui ont donné des billets de cinq cent francs. Alors que le tarif de transport entre Bingerville et Cocody n’atteint pas les 500 F CFA. Du liard, il s’en est fait au maximum. A sa sortie, je l’ai suivi. Il est entré dans une autre salle. Avec le même discours d’il y’a quelques secondes. Il parvenu à convaincre mes aînés de la 4ème. J’observais la scène par les claustras du mur de la salle de classe, mes aînés s’exécuter. C’est complètement abasourdi que je suis retourné dans ma classe. Je me mis à méditer. Se moquait-il de nous? Pourquoi s’est-il rendu dans la classe de la 4ème avec le même discours alors qu’il avait obtenu plus que son tarif de transport?
Elles sont nombreuses ces personnes qui viennent à longueur de journée solliciter la bienfaisance et la générosité des gens. Il est difficile aujourd’hui de distinguer le vrai mendiant du pseudo-mendiant. La civilisation africaine a toujours accepté la mendicité, mais celle du respect de la dignité humaine et non celle qui par des malices, cherche à duper honteusement les personnes sensibles. Sous le sceau de la religion musulmane, d’autres personnes s’adonnent à la mendicité avec l’argument selon lequel «si vous donnez une sébile de mil à un mendiant, vous en récolterez un hectare dans l’au-delà». Oui à des mendiants et non à des pseudo-mendiants, «mes sieurs» «pseudo-mendiants».

Étiquettes
Partagez

Commentaires

DIALLO
Répondre

C'est un métier pour certains.
Réticence oblige désormais.

Bantagni
Répondre

Il faut savoir distinguer le vrai mendiant du faux. Sinon, comment comprendre qu'une personne tirée à quatre épingles vienne te demander quelque sou? Néanmoins, il faut continuer à faire des aumônes.

vicky jeune sucré salé
Répondre

oui je suis du même avis que vous
et nous devons vraiment le faire pour distinguer le faux et le vrais médicament pour notre bonne santé
merci encore

Bantagni
Répondre

D'accord M. Vichy jeune sucré salé

Alban
Répondre

Bravo pour cette chronique.
Je me retrouve pleinement dans vos propos. Comment comprendre qu'un mendiant puisse s'acheter une mobylette et continuer sa besogne tandis que certaines personnes, chez qui il inspire pitié, mendient toujours.